Les programmes du Concert Brisé
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« Sonates de Pandolfi-Mealli et Froberger - Stylus Fantasticus »
Le Programme
Les musiciens
Carsten Lohff, clavecin et orgue.
Éric Bellocq, théorbe
William Dongois, cornet à bouquin et direction artistique
L'extraordinaire musique de Giovanni Antonio Pandolfi-Mealli et l'œuvre de Johann-Jakob Froberger sont peu connues et enregistrées. Elles sont caractéristiques du stylus fantasticus, issu du stil nuovo ou moderno italien et adapté aux pays germaniques. Exporté vers l'Autriche puis l'Allemagne, il devint une référence pour Schmelzer et Biber et arrive à pleine maturité dans la musique d'orgue de Buxtehude et chez les allemands du Nord jusqu'à Bach sous le nom de stylus fantasticus.
Le style fantastique est particulièrement instrumental. C'est la forme de composition la plus libre et la moins contrainte, qui n'est liée à aucun texte, à aucun sujet mélodique. Il a été institué pour faire preuve de génie et enseigner les formes harmoniques cachées, ainsi que d'ingénieuses compositions de phrases et de fugues. Athanasius Kircher (Musurgia universalis, sive ars magna consoni et dissoni, 1650)
Ce vocable employé historiquement dans sa forme latine stylus fantasticus, désigne en musique un style libre plus particulièrement instrumental et italien (Merulo, Frescobaldi), de la première moitié du XVIIe siècle.
Si le stylus fantasticus recouvre une manière particulière de composer, pleine de fantaisie par opposition à la sobriété de l'écriture plus ancienne du stil antico, il impliquait nécessairement une attitude différente de la part de l'interprète.
Tous ces compositeurs de musique fantastique sont d'abord de grands interprètes. Virtuoses et improvisateurs, presque tous violonistes comme Giovanni Fontana, Dario Castello, Biaggio Marini, puis Heinrich Schmelzer, Heinrich Biber et Giovanni-Antonio Pandolfi-Mealli. Leurs compositions suggèrent dans les limites que leur offrait la notation, une autre manière de jouer de leur instrument. Le défi est grand, pour les interprètes d'aujourd'hui, de retrouver cette verve et cette spontanéité au-delà de la notation arithmétique de la musique. Celle-ci n'indique rien des inflexions du son ni des libertés agogiques à prendre. Les passages entiers des sonates de Pandolfi-Mealli avec de nombreuses basses obstinées rappellent le lien de cette musique avec l'improvisation, cette musique de l'instant, à l'opposé de la composition qui manifeste plus un ordre et une pensée.
Dans le domaine de l'interprétation, cette musique expérimentale et encore immature des années 1620 à 1660 est celle qui, posant le plus d'énigmes de restitution, offre aux interprètes le plus de liberté et de créativité. Les sonates de Pandolfi-Mealli sont à la charnière entre l'art spontané de l'improvisation et l'art formel témoignant d'une vision du monde. La musique de Froberger quant à elle intègre les éléments de l'improvisation et de l'art savant le plus complexe et touche à toutes les formes qu'à pu prendre la musique de clavier de cette époque.
Dans une société de masse, où l'individu éprouve quelque peine à être reconnu en tant que tel, dans une société de standards divers, faite de répétitions, de copies qui ne laisse plus de place à la chose et l'instant unique, le stylus fantasticus, par son côté insaisissable plus que toute autre musique, rappelle à tous la dimension singulière de l'instant que manifeste le concert.
William Dongois
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